"La piétonnisation, l'avenir des centres-villes ?" Résumé du meetup

 

Le 1er juillet 2021, se tenait la 6ème édition de notre série de meetup. Découvrez le résumé des interventions passionnantes de nos participants ! 

Pour introduire ce meetup, Léa, chargée des affaires publiques chez Qucit, a présenté la mission de Qucit et sa technologie : rendre les villes plus agréables, durables et efficaces. Qucit développe notamment Qucit Comfort : un outil de consultation citoyenne qui permet de replacer l’usager au cœur de la fabrique des villes. Prendre en compte l’usager dans l’aménagement des espaces publics urbains est essentiel pour assurer des villes agréables.

La mission de Qucit nécessite de suivre de près les changements en cours dans les villes et force est de constater qu’ils sont nombreux à l’heure actuelle !

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Depuis le début des années 2000, on peut observer que le piéton est devenu un enjeu central dans les débats sur l’aménagement urbain en Occident. La piétonnisation, qui désigne le fait de transformer la circulation d’une rue ou d’un quartier afin de la réserver majoritairement aux piétons, en est une manifestation. 

Cette mise en avant du piéton et de la marche comme mode de déplacement révèle de nombreux enjeux : pollution de l’air, réduction du bruit, qualité de vie, fréquentation des centres-villes ou encore bienfaits sur la santé de la population. 

La crise sanitaire ainsi que les confinements qui se sont succédés ont permis de repenser la marche comme un véritable mode de déplacement sûr, contrairement aux transports en commun perçus comme des vecteurs de transmissions du virus. Après les élections municipales, de nombreux “plan de piétonnisation” ou “plan marche” ont ainsi été initié, plaçant les villes comme de véritables moteurs des mobilités douces. Cependant, ces projets sont parfois soumis à des contestations, émanant des automobilistes, des commerçants ou encore des riverains de ces aires nouvellement piétonnisées. 

De cette façon, peut-on considérer la piétonnisation comme l’avenir des centres-villes ? La marche est-elle en voie d’être considérée comme un véritable mode de transport ? 

Pour répondre à ces questions, ce meetup a réuni des intervenants de structures différentes : une association (Rue de l’Avenir), une métropole (Grenoble Alpes Métropole), un cabinet de conseil (Inddigo). 

Elles ont en revanche un point commun : celui de travailler sur la thématique de la piétonnisation. 

 
 

Rue de l’Avenir

La pandémie ou la révélation de la marche au quotidien. 

Intervenant : Hervé Judeaux, Délégué de Paris et membre du conseil d’administration de Rue de l’Avenir. 

Rue de l’Avenir milite, depuis sa création en 1988, pour des villes et des villages plus sûrs, plus solidaires et plus agréables à vivre, grâce à la réduction de l’usage et de la vitesse des véhicules motorisés, au développement de la marche et du vélo, à la prise en compte des personnes vulnérables et à la qualité de l’espace public.

Quelle ville demain ? 

A l’origine, les villes étaient piétonnes. Le XXème siècle nous a éloigné de ce mode de déplacement qui a commencé à renaître au début du XXIème siècle. En servant de révélateur à la crise environnementale globale, la pandémie a accéléré le retour de la marche dans les politiques urbaines 

Avant cette crise sanitaire, les premiers résultats de l’Enquête Globale Transports en Île de France ont montré que la marche comme mode de déplacement a augmenté de 9% en dix ans. Depuis cette EGT qui s’est tenu de 2018 à 2019, on estime que ce chiffre a considérablement augmenté depuis le premier confinement où la population a privilégié les modes de déplacement en solitaire. 

Le collectif “Place aux piétons” et le baromètre des Villes Marchables

Pendant cette pandémie, les recommandations du gouvernement s’orientaient initialement uniquement vers les mobilités cyclables. Les associations Rue de l’Avenir, 60 millions de piétons et la Fédération Française de Randonnée ont formé le collectif Place aux piétons pour demander des mesures pour la marche. 

Ce fut l’occasion de lancer une campagne qui a rendu possible un livret de directives réalisés par le Cerema. Ce collectif avait pour objectif une meilleure prise en compte du piéton dans l’espace public, la promotion de la marche notamment en développant la culture du déplacement piéton et en aménageant des villes et des quartiers marchables.

Cela a amené la question suivante : est-ce que nos villes sont réellement marchables ? La deuxième action du collectif a été de lancer un baromètre des villes marchables en partenariat avec le Cerema. Cette enquête nationale sur le ressenti des piétons a généré près de 68 000 réponses. Les résultats globaux de cette enquête seront mis à disposition à compter du 1er septembre 2021 et seront présentés lors des premières assises nationales de la marche en ville le 17 septembre 2021 à Marseille

 
Présentation d’Hervé Judeaux, Rue de l’Avenir

Présentation d’Hervé Judeaux, Rue de l’Avenir

 

La marche au coeur des stratégies urbaines

La marche doit être au cœur des stratégies urbaines. Les mobilités piétonnes sont des moteurs des projets de territoire. Lorsque l’on regarde les projets Action Coeur de Ville, la marche est l’animateur du centre ville. Cinq axes thématiques encadrent ces projets et l’un d’eux se concentre sur le développement de l’accessibilité, la mobilité et les connexions. En effet, la marche est l’un des principaux vecteurs de la consommation, du tourisme, de l’animation des commerces de centre-ville. 

Le patrimoine d’une ville est valorisé à partir du moment où on peut le découvrir. La ville d’Arras a développé d’énormes projets territoriaux en s’appuyant sur la marche pour relier les quartiers entre eux mais aussi pour piétonniser quelques espaces du centre-ville, très riches en patrimoine.
— Hervé Judeaux

Grenoble Alpes Métropole

Les rues-écoles dans l’agglomération grenobloise. 

Intervenant : Lionel Faure, chef de projet modes actifs - espaces publics à la Direction Mobilité Transports et Conception de l’Espace Public.

La direction Mobilité Transports et Conception de l’Espace Public de Grenoble Alpes Métropole intervient dans les domaines de la planification multimodale des déplacements, de l’organisation du réseau de transports collectifs mais également dans le développement des modes actifs. Elle conçoit également les espaces publics de la métropole en veillant à l’équilibre du partage de l’espace entre les différents modes de déplacements.

Grenoble et la stratégie globale en faveur des modes actifs

L’agglomération grenobloise a mis en place une stratégie globale en faveur des modes actifs qui s’inscrit dans un Plan de Déplacements Urbains voté en 2019. Ce PDU fédère toutes les thématiques transports, notamment via une logique de métropole apaisée qui a permis :

  • la généralisation du 30 km/h en agglomération

  • l’apaisement par le développement des usages et par des aménagements de qualité

  • la réalisation de nouveaux plans de circulation et la mise en place des rues-écoles

La “Métropole apaisée” s’appuie sur différents outils comme le guide métropolitain des espaces publics, le plan Vélo ou encore la démarche coeurs de ville, coeurs de métropole. 

Deux grands objectifs des piétonnisations à proximité des écoles 

Aujourd’hui, les rues et parvis sont aménagés selon une approche essentiellement sécuritaire qui ne questionne que très rarement l’accessibilité motorisée à l’école, malgré une majorité de trajet de moins de 800 mètres en milieu urbain. Ces espaces sont également  souvent caractérisés par un environnement et une qualité médiocre des espaces publics. 

La métropole grenobloise a ainsi mis en œuvre deux grands objectifs de piétonnisation à proximité des écoles.

  1. Promouvoir l’accès à l’école à pied et à vélo

  2. Proposer des aménagements qualitatifs en adéquation avec les enjeux métropolitains, aussi pour développer de nouveaux usages. 

“Place(s) aux enfants”

Ces deux objectifs ont donné naissance au projet “Place(s) aux enfants”. Sur les 60 écoles grenobloises : 

  • 22 sont déjà piétonnes, car elles sont situées dans des parcs ou éloignées de la chaussée

  • 15 parvis d’écoles et rues supplémentaires seront piétonnisés en septembre 2021 à l’aide d’aménagements définitifs légers ou transitoires.

Présentation de Lionel Faure, Grenoble Alpes Métropole

Présentation de Lionel Faure, Grenoble Alpes Métropole

La piétonnisation autour de ces 15 écoles représente 1,9 km d’espace libéré et une suppression de 300 places de parking.

En 1967, Grenoble a conçu une des premières rues piétonnisées de France. Il est vrai que la voiture est arrivée très vite dans l’après-guerre, mais on a aussi très vite compris qu’elle était source de désagréments.
— Lionel Faure

Inddigo

Développer la marche, éléments de méthode.

Intervenant : Louis Boulanger, ingénieur expert en mobilité urbaine.

Inddigo, cabinet de conseil et d’ingénierie, accompagne les collectivités et les entreprises dans leurs stratégies de développement durable. Inddigo répond aux enjeux des territoires et des organisations en développant des approches stratégiques et techniques, inventives et responsables en matière de transports, déchets, aménagement, énergie, bâtiment et biodiversité. 

Le plan piéton, l’exemple de la métropole du Grand Nancy

Si la marchabilité désigne le degré d’accès et de confort que possède un espace public ou privé pour les déplacements à pied, le plan piéton est, quant à lui, une stratégie visant à favoriser le transfert modal de la voiture individuelle vers la marche.

Un diagnostic ainsi qu’un plan d'action ont été réalisés pour concevoir le plan piéton de la métropole du Grand Nancy

Le diagnostic : un croisement de plusieurs regards.

 
Présentation de Louis Boulanger, Inddigo

Présentation de Louis Boulanger, Inddigo

 

Pour réaliser un plan piéton, le diagnostic préalable nécessite de croiser de nombreuses compétences et sources : 

  • Une compréhension fine des mobilités 

  • Des analyses cartographiques 

  • Des analyses sociologiques reposant sur un travail de terrain (micro-trottoirs, diagnostic en marchant, etc)

  • Une étude des documents de planification urbaine et territoriale 

Par exemple, l’analyse de l’Enquête Ménages Déplacements a montré que la marche à pied n’était pas toujours regardée comme un mode de transport à part entière car elle est rarement un déplacement seul. Ainsi, pour chaque mode de transport principal, une analyse de la distance réalisée à pied a été fournie. Les résultats ont montré qu’en moyenne, une personne prenant les transports en commun marche autant qu’une autre déclarant se déplacer uniquement à pied. Ces éléments permettent de cibler un public que l’on souhaite inciter à marcher. 

Le plan d’actions : partage et co-construction

Le plan d’action a été co-construit avec différents acteurs. D’une part, on retrouve une approche assez classique de la concertation avec la sollicitation des élus, un conseil citoyen et un groupe de travail réunissant les socios-pros. La consultation des usagers, quant à elle, est novatrice dans le sens où les consultés ont été tirés au sort pour récupérer les ressentis quotidiens de personnes ne participant pas habituellement aux concertations publiques.

De ce travail ont découlé 10 actions du Plan Piéton

  1. Réaffirmer la place du piéton

  2. Franchir les intersections

  3. Assurer les continuités

  4. Multiplier les lieux de rencontre

  5. Habiter la rue

  6. Expérimenter et innover

  7. Développer l’art urbain

  8. Retrouver le chemin de l’école

  9. Marcher à tous les âges

  10. Redorer l’image de la marche et du vélo

La marche à pied est un maillon incontournable de l’intermodalité : n’importe quel automobiliste est marcheur, ne serait-ce que pour aller de sa voiture à son lieu de destination.
— Louis Boulanger

Échanges

Lors de notre meetup, plusieurs questions n’ont pas pu être posées au cours de l’échange. Nos intervenants ont donc pris la peine de répondre par écrit à ces interrogations, voici leurs commentaires : 

Comment associez-vous les enfants, habitants au projet "Places aux enfants » ? 

Le site Rues aux Enfants présente plusieurs expériences notamment dans la rubrique les outils et décrit plusieurs modalités de mise en place de ces Rues aux Enfants. Pour l’exemple de Grenoble, la métropole s’inscrit dans une démarche de co-construction ouverte : les enfants et les habitants seront consultés une fois les rues piétonnisées et libérées à partir de l’automne 2021.

Est-ce que la marche est intégrée dans les applications d’itinéraires ? 

C'est le cas pour Vianavigo à Paris. Prenons l’exemple de l’itinéraire entre la gare de Bagneux à la Porte d'Italie. Plusieurs solutions s’offrent à vous : 

  • RER + Tram 19 mn, marche 4 mn 

  • Bus + Tram 33 mn, marche 2 mn. 

A contrario il n'y a pas de proposition d’itinéraire uniquement basé sur la marche.  Il faut pour cela utiliser Google maps qui indique pour cet itinéraire 1h3mn de trajet. 

A Grenoble,  M, le calculateur d’itinéraire multimodal de la métropole propose également cette intégration.

Comment avez-vous réussi à solliciter 68000 piétons pour l’enquête sur les “villes marchables" ? 

Le réseau de la Fédération Française de Randonnée (Anciennement FFRP) est extrêmement structuré. Rue de l'Avenir est une association nationale qui dispose de représentations et de contacts dans de nombreuses villes en France. Elle fonctionne également en réseau avec de nombreuses autres associations locales. 60 millions de piétons étant aussi très actif, ces dispositions nous ont permis de solliciter autant de piétons.


Nous remercions une nouvelle fois nos intervenants Hervé Judeaux,  Lionel Faure et Louis Boulanger pour la qualité de leurs échanges.

On se retrouve très vite pour un prochain évènement sur la Ville de demain !