Le vélo partagé en Pologne
En février dernier, Mathilde, chargée d’affaires publiques pour Qucit, et son collègue Thomas, business developer, ont voyagé en Pologne, afin de découvrir les systèmes de vélos partagés du pays. Ils s’y rendront à nouveau pour l’édition de juin 2025 du célèbre salon de la micromobilité partagée : VeloCity.
Ce pays très surprenant qu’est la Pologne, marqué par l’histoire, connaît un essor considérable des systèmes de vélos en libre-service depuis quelques années. Ce phénomène s’explique grâce à une infrastructure remarquablement développée et des politiques de plus en plus tournées vers la transition écologique. C’est pourquoi Qucit a pris son micro pour aller rencontrer les collectivités de Cracovie, Varsovie et Bydgoszcz. Dans cet article rassemblant leurs témoignages, que nous vous invitons donc à découvrir : Le vélo partagé en Pologne.
L’histoire du cyclisme en Pologne
Commençons par un peu de contexte historique. En effet, l’histoire du vélo en Pologne est riche, parfois méconnue, mais joue un rôle important dans le développement du cyclisme en Europe de l’Est.
La production de vélos en Pologne remonte au XIXème siècle, encore alors sous domination partagée de la Russie, de la Prusse et de l’Autriche. À la même période, le cyclisme arrive donc dans le pays. Ainsi, les premières associations cyclistes comme la Warszawskie Towarzystwo Cyklistów* (1893) voient le jour dans de grandes villes telles que Varsovie, Cracovie ou Liev (aujourd’hui en Ukraine).
Après l’indépendance de 1918, le cyclisme s’organise nationalement. Deux ans plus tard, la Fédération Polonaise du Cyclisme (Polski Związek Kolarski – PZKol) est créée, et le pays commence à participer à des compétitions internationales. De 1945 à 1989, le cyclisme devient outil de propagande sous le régime communiste, l’utilisant alors comme symbole d’unité nationale, et affiliant des coureurs cyclistes comme Ryszard Szurkowski ou Stanisław Szozda, à des clubs militaires ou d’usines, tel que le club militaire emblématique de Varsovie (Centralny Wojskowy Klub Legia Warszawa).
En 1948 est inaugurée la plus grande épreuve cycliste des pays communistes : La Course de la Paix, reliant Prague à Varsovie. Cette course, supposée incarner les bienfaits de la réconciliation entre d’anciens peuples ennemis (Europe de l’Est et Europe de l’Ouest), est sous la direction des partis communistes polonais (Trybuna Ludu), tchécoslovaque (Rudé Právo) et socialiste unifié allemand (SED), voulant affirmer leur ambition mondiale. C’est également lors de cette compétition cycliste que brillent régulièrement les polonais Ryszard Szurkowski et Stanislaw Szozda.
À partir 1990, après la chute du communisme, la Pologne s’ouvre peu à peu à l’Europe de l’Ouest, et de premiers polonais intègrent les rangs de nouvelles compétitions comme le Tour de France ou la Vuelta a España. Nous citerons notamment Zenon Jaskuła, arrivé 3ème au Tour de France de 1993 ou Michał Kwiatkowski, champion du monde sur route en 2014 (Ponferrada).
Ces grandes figures ont contribué, au fil des décennies, à inspirer la population et à encourager l’usage du vélo. C’est en 2008, inspirée par l’exemple d’autres villes européennes comme Berlin (ayant lancé son tout premier système de vélos en libre-service “Call a Bike” en 2002), que Cracovie se lance dans l’aventure avec le système “BikeOne” qui comptait alors 120 vélos. Ce fut la toute première initiative de ce type en Pologne, mais bien loin d’être la dernière. En juin 2012, c’est au tour de la capitale polonaise, Varsovie, de lancer ce qui deviendra par la suite l’un des plus importants systèmes de vélos en libre-service du pays : “Veturilo”.
Au cours des années qui suivirent, d’autres villes polonaises telles que Wrocław, Opole et Poznań ouvrirent, elles aussi, leur propre système de vélos partagés. Ces systèmes de vélos partagés représentent pour la population une alternative accessible économiquement, pratique et écologique face aux modes de transports traditionnels. Ils s’inscrivent parfaitement dans l’air du temps, et répondent aux objectifs de l’Union Européenne en matière de changement climatique, étant de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55% d’ici 2030, contre 40% en 2024. Ce qui explique en partie, la popularité croissante du vélo en libre-service au sein du pays.
Rencontre avec plusieurs experts de la mobilité en Pologne
La Pologne est un pays en pleine croissance en termes de micromobilité. Pour favoriser cette croissance, les grandes villes mettent en place une infrastructure de qualité, comme à Cracovie, où l’on peut trouver de nombreux racks disponibles au sein de la ville, ainsi que des pistes cyclables parfaitement délimitées par une piste rouge avec une bordure de sécurité en démarquée au sol par des pointillés blancs afin d’assurer la sécurité des cyclistes.
Bien que les collectivités polonaises ne perçoivent pas ou peu d’aide financière de la part du gouvernement ou de l’Union Européenne pour développer ce type d’infrastructures, elles ne manquent pourtant pas d’initiatives et de ressources pour proposer à leurs habitants des options de mobilité douce. À Cracovie, comme nous l’a présenté Małgorzata Jedynak, responsable du département des mobilités actives, la ville propose deux services de vélos partagés.
"Le plus important est un système de location de vélos longue durée appelé LajkBike, qui comprend 1 000 vélos dont 500 mécaniques et 500 vélos électriques. Les vélos électriques sont équipés de batteries amovibles que les utilisateurs peuvent recharger chez eux", explique-t-elle.
Les utilisateurs de ce service peuvent louer des vélos pour des périodes allant de 1 à 6 mois et sont autorisés à laisser les vélos n'importe où dans la ville pendant qu'ils vaquent à leurs occupations quotidiennes. Dans le cadre de l'abonnement à LajkBike, les locataires bénéficient également de services de réparation garantis, notamment en cas de crevaison, de bris de chaîne ou de problèmes de vitesses et de freins. “Ce système est très populaire en raison de sa commodité pour les utilisateurs et il est prévu de l'étendre en 2025”, ajoute Małgorzata.
La ville de Cracovie gère également un programme pilote appelé Park-e-Bike, avec 143 vélos électriques partagés. Cette initiative vise à pousser à l’usage du vélo pour les résidents qui laissent leur voiture dans les parcs relais. Les deux systèmes sont gérés par la ville elle-même, et le système Park-e-Bike est gratuit pour les utilisateurs.
En outre, la ville a signé des accords de coopération avec Bolt et Tier, ce qui permet à des systèmes commerciaux de location de vélos en libre-service de fonctionner à Cracovie.
Du côté de Varsovie, Marta Bugaj, responsable de l’Unité Économique du Département de l’Infrastructure nous a aidé à retracer l’évolution de l’un des plus importants systèmes de vélos en libre-service polonais : Veturilo. Le système, lancé en 2012 avec 1 000 vélos mécaniques, est saisonnier, ouvert de mars à fin novembre. “Le système n’a cessé de croître au fur et à mesure des années, passant tout d’abord à 2 000 vélos méca, avant d’atteindre les 3 500 vélos dont 330 vélos électriques” nous affirme son directeur. Marta nous explique que : “La ville ayant une topographie plate, le besoin en vélos électriques n’est pas une nécessité, et que les stations fixes sont non chargeantes. Les batteries sont donc échangées par l’opérateur actuel, Nextbike, pour assurer la recharge de celles-ci.” Le système est bien perçu par les varsoviens. Aussi disposent-ils également de trottinettes en libre-service opérées par Bolt, Tier et Lime pour simplifier la mobilité douce au sein de la capitale. Selon Marta, “la capitale polonaise dénombre un trop grand nombre de voiture/habitant (au min 2 voitures/ foyer). L’objectif de la collectivité serait de changer la tendance. Pour ce faire, elle se compare donc à des villes comme Milan ou Vienne qui sont de la même taille (environ 2 millions d’habitants) qui ont une part modale cycliste plus importante.” À Milan, en 2024, 25 habitants sur 100 se déplacent à vélo quotidiennement. À Vienne, la part modale de la mobilité active (déplacements quotidiens à pied ou à vélo) est un peu plus élevée : 42% en 2024.
Pour atteindre cet objectif, la capitale polonaise a investi dans 800 km de pistes cyclables, dont 400 km de pistes connectant la capitale aux communes alentour. Elle organise également des événements dédiés aux vélos comme la journée “bike to work” afin de promouvoir le vélo comme mode de transport ludique, pour une alternative multimodale à la voiture.
Cependant, les vélos partagés ne sont pas réservés qu’aux grandes villes, et des systèmes plus petits comme ceux de la ville de Bydgoszcz savent se démarquer, comme nous l’a confirmé Dorota Boroń, responsable du département de mobilité pour la collectivité. En plus d’une bonne infrastructure cyclable, avec des pistes délimitées et des racks à disposition des cyclistes, similaires à celles de Cracovie, “la ville compte actuellement 365 vélos mécaniques et 62 stations à disposition des usagers” comme nous l’indique Jakub Proczek, superviseur à l'autorité municipale chargée des routes et des transports publics.
L’histoire du cyclisme en Pologne nous fait prendre conscience de l’influence du vélo au fil du temps, allant de son influence politique avec la Course de la Paix, aux champions cyclistes qui ont fasciné et continuent d’inspirer de nombreux adeptes du vélo, jusqu’à devenir outil clé de la transition écologique pour les transports d’aujourd’hui et de demain. Symbole d’indépendance populaire, le vélo partagé gagne en popularité non seulement en Pologne, mais partout dans le monde. Il est l’investissement d’aujourd’hui pour un avenir plus vert.
Si cet article a attisé votre curiosité, nous vous invitons à découvrir notre article sur la Transformation vélo en Pologne : comment le pays réinvente la mobilité urbaine dans ses villes ?
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