“Trottinette vs Vélo en Libre-Service : Comprendre les défis et choisir le bon modèle de micromobilité partagée” - Résumé du Meetup

Le 26 juin 2025, se tenait la 8ème édition de notre série de meetup. Découvrez le résumé des interventions passionnantes de nos participants ! 

Pour commencer, Mathilde, chargée des affaires publiques chez Qucit, a présenté la mission de Qucit : l’intelligence opérationnelle pour une micromobilité durable et efficace. Pour ce faire, l’entreprise développe un logiciel d’optimisation logistique destiné aux opérateurs de systèmes de micro mobilité partagée afin de réduire leur empreinte carbone lors de leurs tâches quotidiennes. 

Lors de ce meetup, nous avons parlé d’inclusion et d’accessibilité aux trottinettes électriques et vélos partagés, des différentes tendances du marché, d’infrastructure, et des initiatives nécessaires au succès de ces systèmes. L’un des objectifs de Qucit est d’ailleurs de s’assurer que les usagers puissent toujours trouver un vélo en libre-service disponible lorsqu’ils en ont besoin. C’est par exemple le cas à Bordeaux, où Qucit est basée. 

Dans un monde où les villes cherchent à réduire l'empreinte carbone tout en répondant à des besoins de mobilité toujours plus flexibles, le débat entre trottinettes électriques et vélos partagés s’intensifie. Pour comprendre au mieux l’importance de ce débat, il faut tout d’abord savoir pourquoi la micro mobilité est devenue essentielle de nos jours. En voici les principales raisons : 

  • Élément clé de lutte contre le réchauffement climatique

  • Apporteur de bienfaits pour la santé : exercice physique et santé mentale 

  • Sport et plaisir 

  • Accélérateur d’infrastructure cyclable et de développement urbain 

  • Financièrement accessible à tous 

Lors de notre dernier meetup, trois experts venus d’Italie, de Finlande et de France ont partagé leurs visions, ancrées dans l'expérience de terrain, pour éclairer les enjeux de ce dilemme urbain en répondant à la question : Comment choisir le modèle qui vous convient et en faire un succès en encourageant l'utilisation de la micromobilité par les utilisateurs finaux ?

  • Sofia Asperti, Data Analyst pour l’Observatoire Italien de la Mobilité Partagée

  • Guillem Leroux, Chargé d’Affaires Publiques pour Pony, opérateur français 

  • Noora Salmela, Coordinatrice de Projets pour la ville de Turku, en Finlande

Leur point commun ? Leur passion pour la micro mobilité partagée.

 

Intervenante : Sofia Asperti, Data Analyst pour l’Observatoire Italien de la Mobilité Partagée 

La mission de l’Observatoire national de la Mobilité Partagée en Italie est une initiative promue par le Ministère de l’Environnement et des Transports italien ainsi que par la fondation du développement durable du pays. Chaque année, l’Observatoire analyse les données partagées par les opérateurs, municipalités et autres acteurs du secteur afin de comprendre les tendances du marché, soutenir et aider au développement des systèmes de mobilité partagée ainsi que promouvoir leur usage. 

Selon les récentes études de l’Observatoire, les données analysées montrent que les systèmes de vélos partagés, établis depuis un peu plus d’une décennie en Italie, connaissent une évolution relativement stable. Et ce, contrairement aux systèmes de trottinettes électriques partagées. Ce type de véhicules est arrivé sur le marché plus tardivement, en 2019, et a connu un essor phénoménal jusqu’en 2022, avant que leur nombre ne diminue légèrement. Ceci s’explique par la baisse du nombre de systèmes “test” de trottinettes en libre-service (stabilisation du marché). 

Sofia souligne, comme indiqué sur la carte ci-dessus, que la majeure partie des services de vélos et trottinettes partagés sont situés dans les villes du Nord de l’Italie. Il est notable que les villes possédant un système de vélos partagés auront tendance à être également dotées d’un système de trottinettes en libre-service. Ce phénomène est dû au meilleur développement de l’infrastructure publique ainsi qu’à l’ancrage plus fort de la culture cycliste de ces villes. 

L’inverse n’est pourtant pas vrai. Les villes possédant un système de trottinette en libre-service ne sont pas nécessairement accompagnées de systèmes de vélos partagés. C’est pourquoi des systèmes de trottinettes partagées ont ouvert partout en Italie, incluant les régions centre et sud du pays, permettant ainsi aux habitants de découvrir le partage de véhicules à travers une application mobile pour la première fois. 

En Italie, comme dans le reste de l’Europe, de nombreux changements sont apparus au sein des flottes de véhicules partagés. L’observation que nous partage Sofia concerne plus particulièrement les services de trottinettes partagées, voyant le nombre d’opérateurs diminuer suite à des acquisitions d’entreprises (comme celle de Tier par Dott, par exemple). 

En Italie, cette réduction récente du nombre de systèmes de trottinettes partagées se démontre notamment dans les capitales provinciales du pays, avec un total de 12 systèmes en moins entre 2022 et 2023, passant ainsi de 47 villes dotées de ce type de système à 35. 

Malgré la diminution du nombre de services de trottinettes partagés en Italie, la demande d’usager reste conséquente. Comme l'affirme Sofia, elle est bien plus importante que celle du vélo, qui reste relativement stable. Dans certains cas, ces deux services peuvent être proposés par le même opérateur, ce qui permettra une redistribution plus équilibrée du nombre de trajets entre vélos et trottinettes en libre-service. 

Enfin, depuis trois ans, l’Observatoire analyse également le nombre d’accidents, basés sur le nombre de trajets et kilomètres parcourus. Comme l’indique Sofia, ce travail de fond a pour but de rassurer certaines collectivités, qui tendent à considérer les trottinettes électriques comme plus dangereuses que les vélos partagés. D’après les données graphiques présentées par l’Observatoire, bien que le nombre d’accidents en trottinettes soit plus élevé que ceux causés par les vélos, la différence n’est que mineure. 

C’est avec ces données en tête, que nous allons désormais nous intéresser au point de vue de l’opérateur. 

 

Intervenant : Guillem Leroux, responsable du marketing et de l'expansion de Pony, opérateur français de trottinettes et vélos partagés

Pour ceux qui ne seraient pas encore familiarisés avec Pony, Pony est opérateur de trottinettes et vélos partagés, créé en 2017 et présent dans une vingtaine de villes françaises. Selon les villes, Pony opère soit les vélos, soit les trottinettes ou bien les deux. 

Guillem observe que dans les plus grandes villes où Pony est présente, comme à Bordeaux ou Tours, un système de vélos partagés est mis en place. Dans les villes de taille moyenne comme Angers, Pony y opère à la fois trottinettes et vélos partagés; alors que dans les plus petites villes comme Beauvais, l’entreprise opère plutôt un système de trottinettes en libre-service. Mais alors, sur quels critères choisir le type de véhicule à installer ? 

Selon Guillem, l’étude de marché réalisée pour choisir le type de système d’une ville se base sur trois critères : 

  • Le nombre d’habitants de la zone à couvrir : 50 000 habitants pour des trottinettes électriques, 80 000 habitants pour des vélos partagés. Il faut que le système puisse être rentable sans avoir besoin de subventions publiques ou privées. 

  • La densité de population : plus il y a de densité, mieux c’est

  • Le pourcentage d’étudiants : 50% des clients de Pony sont âgés de moins de 25 ans

Guillem explique que gérer un service de vélos ou trottinettes partagés est assez similaire en termes de challenges et d’opérations quotidiennes. Les deux modèles requièrent la même logistique : changement de batteries, retours en entrepôt, rééquilibrage territorial des flottes, ainsi que maintenance préventive et curative. 

Toutefois, la différence entre trottinettes et vélos réside dans les coûts. Bien que les coûts de logistique et maintenance (OPEX) soient équivalents, les coûts d’investissement de départ (CAPEX) sont plus élevés pour un vélo que pour une trottinette. 

La particularité de Pony est que la maintenance de leurs véhicules est réalisée dans leurs propres ateliers, qui sont ouverts dans chaque ville où l’entreprise se trouve. Concernant les opérations logistiques, Pony emploie un acteur cyclo logistique local qui aura une parfaite connaissance du terrain afin de garantir la meilleure qualité de service possible. 

Ce qui nous amène à nous demander : Quels sont alors les challenges auxquels doit faire face un opérateur ? 

Guillem en démarque trois principaux : 

  • Garder la disponibilité des véhicules à son maximum, et ce malgré la saisonnalité (+ 40% d’usage durant la saison estivale) et lors d’événements ponctuels (parfois + 100% d’usage sur une unique journée)

  • Mettre à disposition les véhicules au bon endroit, au bon moment, tout en faisant attention aux heures de pointe

  • Garantir un système propre et ordonné dans l’espace public : selon les villes, environ 97% à 98% des véhicules sont garés proprement, et Pony doit assurer le déplacement des véhicules mal garés en moins d’une heure. 

Ayant pris connaissance des défis logistiques que représentent les trottinettes et vélos partagés pour un opérateur, il est temps de se pencher sur le point de vue de la collectivité. 

Intervenante : Noora Salmela, Coordinatrice de projets pour la ville de Turku, en Finlande 

Pour ce faire, Noora nous emmène avec elle en Finlande, afin de découvrir les systèmes de micro mobilité partagée de Turku. 

La ville possède actuellement un système de vélos en libre-service fourni et opéré par Donkey Republic comptant 700 vélos mécaniques pour 250 stations, un système de cargo bikes, et trois systèmes de trottinettes en free floating pour un total de 6 500 véhicules opérés par Dott, et deux autres opérateurs privés. Tous ces systèmes sont saisonniers, et fonctionnent d’avril à fin octobre en raison du climat de la ville. 

À Turku, selon les données collectées par la collectivité, les deux modèles plaisent à la population, avec une légère préférence pour le vélo. En effet, 2024 a été pour le système de vélos en libre-service une année record, avec plus de 425 000 trajets enregistrés, représentant une hausse de 16% d’usage par rapport à la saison 2023. Ainsi, les vélos enregistrent approximativement 2,8 trajets par vélo par jour, tandis que les trottinettes partagées (tout opérateur confondu) en enregistrent 2,1.  

Du point de vue de la collectivité, chaque modèle apporte son lot d’avantages et d’inconvénients. Voici ce qui est noté à Turku pour les vélos : 

  • Les vélos sont beaucoup utilisés et les usagers en sont globalement satisfaits (environ 4,5/5 selon les études menées par la ville) 

  • Satisfaction dûe au développement du système : nouvelles stations et rallongement de la saison

  • La collectivité décide où placer les stations, ce qui aide à faciliter l’intermodalité 

  • Toutefois, le nombre de vélos doit être amplifié pour améliorer le service 

Concernant les trottinettes : 

  • Les trottinettes sont énormément utilisées, notamment par les plus jeunes

  • Ces véhicules sont principalement concentrés dans le centre ville et aide l’intermodalité 

  • La coopération entre la collectivité et les opérateurs privés est fluide 

  • Les trottinettes sont mal garées et le code de la route n’est pas souvent respecté, ce qui entraîne beaucoup d’insatisfaction de la part des usagers  

  • La durabilité des équipements sont un défi plus présent sur ce type de véhicule que sur les vélos

Dans le but de régulariser la situation et d’assurer une plus grande satisfaction de la population, la collectivité a décidé de sortir une nouvelle législation en automne. Cette législation aura pour but de guider les usagers, mettre en place des zones de limitation de vitesse et des hubs de mobilité pour éviter le désordre en centre ville. 

Selon Noora, cette nouvelle législation pourrait également permettre de perfectionner l'intermodalité dans le but que chaque système perdure. 

Enfin, suite à l’intervention de nos 3 experts, nous avons pris le temps de répondre à vos questions. 


Échanges 

Questions à Sofia Asperti, analyste de données pour l'Osservatorio della Sharing Mobility :

Question : En Italie, comment pourrions-nous encourager l'utilisation de ces véhicules dans les régions du centre et du sud ?

Sofia : Nous espérons que le modèle d'économie de partage des trottinettes électriques apportera aux villes la possibilité d'avoir des vélos à l'avenir. Cependant, les systèmes de vélos en libre-service ne se développent pas rapidement. De nombreux éléments doivent être rassemblés sur le plan opérationnel. Souvent, les opérateurs préfèrent n'avoir que des trottinettes électriques dans certaines villes touristiques. D'autre part, la micro mobilité partagée est aussi quelque chose que les municipalités devraient encourager. La différence que nous pouvons observer entre le sud et le nord de l'Italie ne s'applique pas seulement aux vélos, mais aussi aux scooters et voitures partagés. Il s'agit donc d'un phénomène que les municipalités devraient encourager davantage, car il est nécessaire à l'économie.

Question : Constatez-vous que les utilisateurs s'en tiennent principalement aux vélos, aux trottinettes, ou qu'ils utilisent les deux ?

Sofia : En fait, nous ne le savons pas car nous obtenons des données agrégées sur un seul utilisateur. Il serait intéressant de le savoir compte tenu du nombre croissant d'opérateurs qui proposent plus d'un service.

Question : Selon votre expertise, quelles sont les tendances émergentes du marché en termes de micro mobilité partagée ?

Sofia : Tout d'abord, il y a une consolidation structurelle des services partagés en Italie aujourd'hui. Ils font désormais partie de l'offre de mobilité. Deuxièmement, l'intégration avec d'autres modes de transport est une chose que nous constatons, mais que nous espérons voir se développer. C'est un élément clé pour permettre à chaque service de se développer.

Question : Alors que nous cherchons tous à améliorer nos services et la communauté des trottinettes et vélos en libre-service en Europe, quels nouveaux types de données devrions-nous commencer à collecter (des données dont notre communauté ne dispose pas encore) qui pourraient nous aider à optimiser les opérations et à mieux répondre aux besoins des usagers ?

Sofia : Du point de vue de la municipalité, il est très important d'être au courant de ce qui se passe et d'avoir un suivi quotidien de la façon dont les véhicules se déplacent dans la ville et dans toutes les zones intéressantes.

Questions à Noora Salmela, coordinatrice du projet pour la ville de Turku, en Finlande :

Question : Les trois opérateurs constatent-ils que les usagers s'en tiennent principalement aux vélos, aux trottinettes, ou qu'ils utilisent les deux ?

Noora : Très bonne question. Malheureusement, nous ne disposons pas de toutes les informations des opérateurs privés. Je n'ai donc pas leur avis sur la question. Toutefois, peut-être qu'après l'entrée en vigueur de la nouvelle législation, nous obtiendrons plus d'informations de la part des opérateurs et que nous pourrons nous faire une idée à ce sujet.

Question : Pourquoi ne pas subventionner le système de trottinettes en libre-service, comme vous le faîtes pour Donkey Republic avec les vélos ?

Noora : Ce serait une bonne chose à envisager. Pour l'instant, nous avons trois opérateurs et trop de trottinettes dans le centre-ville. Peut-être qu'après la nouvelle législation, nous verrons comment cela se passe avec les opérateurs, comment ils trouvent la situation et ce que la ville pense de ce sujet. Mais pour l'instant, nous ne subventionnons que les vélos partagés.

Question : Quelles sont les initiatives qu'une ville peut prendre pour amener plus de gens à la mobilité partagée au quotidien ?

Noora : Je pense qu'il serait très important d'améliorer les chaînes de déplacement et d'y inclure les scooters électriques. Il s'agit donc en grande partie d'une question de communication entre la ville et les opérateurs afin de penser le système comme un tout, pour les transports publics, les vélos et les trottinettes électriques. C'est quelque chose qui, je l'espère, sera plus possible à l'avenir grâce à la législation. La communication est une chose que nous faisons déjà, mais que nous devrions faire davantage. Et bien sûr, l'infrastructure est très importante pour faciliter l'utilisation des vélos et des trottinettes électriques.


Questions à Guillem Leroux, responsable du marketing et de l'expansion de Pony, opérateur français de trottinettes et vélos partagés :

Question : À propos de Pony, les personnes chargées de l'entretien de ces véhicules doivent-elles avoir une formation spécifique ?

Guillem : Nous employons des mécaniciens vélo avec une qualification initiale (en France, nous avons ce qu'on appelle un CQP cycle) ou avec une expérience dans des emplois similaires (mécaniciens vélo dans un magasin).

Question : Le vandalisme et la fraude sont des défis connus dans les opérations de mobilité partagée. Comment Pony aborde-t-il ces problèmes et quelles stratégies ou technologies avez-vous mises en œuvre pour les atténuer ?

Guillem : Le vandalisme n'est plus un problème majeur. Nous avons atténué tous les risques grâce à notre stratégie matérielle : pas d'utilisation de pièces détachées standard pour éviter la revente et des véhicules conçus spécifiquement pour le partage.

Question : Est-il recommandé d'exploiter les trottinettes électriques et vélos électriques à partir du même entrepôt et avec le même personnel ? Les points d'équilibrage doivent-ils être situés à des endroits différents puisque les profils des utilisateurs des deux véhicules sont différents ?

Guillem : Nous utilisons le même entrepôt pour les deux véhicules et demandons à nos mécaniciens de réparer les deux. Pour l'instant, nous n'avons pas constaté d'écart important entre les profils des utilisateurs et nous n'avons donc pas différencié notre stratégie d'équilibrage entre les véhicules.


Chers lecteurs, nous sommes ravis de vous avoir comptés parmi notre audience et espérons que ce webinaire vous aura été riche en connaissances nouvelles. 

Nous remercions chaleureusement une nouvelle fois nos intervenants : Sofia Asperti, Noora Salmela et Guillem Leroux pour leur participation et le partage de leur expertise. 

À très bientôt pour un prochain webinaire autour de la micromobilité partagée!