Deux roues, deux continents : perspectives d'avenir du vélo partagé en Amérique du Nord et comparaisons européennes
À une époque où la durabilité et la réduction des émissions carbones sont au cœur des préoccupations urbaines, le vélo en libre-service aux États-Unis transforme le paysage des transports. En 2023 plus de 157 millions de trajets ont été effectués témoignant de leur intégration croissante dans les stratégies de mobilité durable des collectivités. Mais quelles réalités se cachent derrière ces chiffres prometteurs ? Cet article explore l'état actuel, les défis, et l'avenir du vélo partagé en Amérique du Nord, proposant une analyse comparative avec l'Europe pour dessiner les perspectives de ce mode de transport en pleine expansion.
La micromobilité a transformé de manière remarquable les moyens de transport urbain dans le monde entier, en offrant une solution durable, pratique et saine.
La North American Bikeshare and Scootershare Association (NABSA), dans un article sur son site écrit par Laura Mallonee affirme “ la micromobilité partagée a prouvé sa valeur en tant que service de transport essentiel. Avec le lancement des premiers systèmes de vélos en libre-service en Amérique du Nord en 2009, les scooters partagés en 2017 et le boom du partage de vélos électriques en 2018, la micromobilité partagée a gagné en popularité et a connu une croissance constante depuis sa création”.
Aux Etats-Unis, les systèmes de vélos en libre-service ont pris une place de choix dans les stratégies de mobilité urbaine aux cours des dernières années, illustrant un engagement croissant vers des modes de vie plus durables et écologiques.
Comment cette évolution se traduit-elle, et quel regard peut-on porter sur les systèmes de vélo en libre-service aux Etats Unis aujourd’hui ?
Cet article présente l'état actuel du vélo en libre-service aux États-Unis, souligne les similitudes et les différences avec l'Europe, examine les défis auxquels l'industrie est confrontée, et explore ses avantages et ses perspectives d'avenir.
Etat actuel du vélo en libre service aux USA et défis
Présentation de l’écosystème
Le vélo en libre-service aux États-Unis est caractérisé par une diversité de systèmes, incluant à la fois des systèmes de vélos avec stations et des systèmes de vélos sans station.
En 2023, selon le rapport de la National Association of City Transportation Officials (NACTO) les usagers ont effectué 157 millions de trajets au total sur des vélos en libre-service et des trottinettes électriques aux États-Unis et au Canada. Les trajets en micromobilité partagée ont augmenté de 20 % par rapport à 2022 dépassant le pic de 147 millions de trajets enregistré avant la pandémie en 2019 dans les deux pays. 133 millions de ces trajets ont été effectués aux États-Unis et 24 millions au Canada. Le nombre de trajets en vélo libre-service utilisant des stations est passée de 67 millions de déplacements en 2022 à 81 millions de déplacements en 2023.
Plusieurs avancées notables ont été enregistrées telles que l'augmentation des trajets en vélos électriques et l’expansion des infrastructures.
Le boom des vélos électriques des dernières années s’est poursuivi en particulier sur les systèmes de vélos en libre-service utilisant des stations fixes. Ces vélos sont nettement plus utilisés que les vélos traditionnels dans les systèmes offrant les deux options. À Los Angeles, l'utilisation des vélos électriques est 8 fois supérieure à celle des vélos mécaniques, et 4 fois à New York. Entre 2022 et 2023, Los Angeles a multiplié par quatre sa flotte de vélos électriques, ce qui a triplé le nombre de trajets passant de 87 000 trajets en 2022 à 232 000 trajets en 2023. À New York, l'augmentation de la disponibilité des vélos électriques de 20 % à 25 % de la flotte a entraîné une hausse de 50 % des trajets.
Une étude de la National Association of City Transportation Officials a montré que l'installation de pistes cyclables protégées augmentait le nombre de cyclistes de 21% à 171% selon les villes. Les personnes se sentent plus en sécurité et sont donc plus enclines à utiliser le vélo comme moyen de transport (NACTO). Entre 2018 et 2021, Austin (Texas), a construit 160 km de nouvelles pistes cyclables, dont 22 intersections entièrement ou partiellement protégées. Austin est restée l'une des principales villes américaines en matière de fréquentation de la micromobilité partagée en 2022. La ville comptabilise 3,4 millions de déplacements sur des vélos et scooters électriques en free floating et plus de 300 000 déplacements sur des vélos en libre-service utilisant des stations.
Toutefois, ces développements positifs du partage de vélos aux Etats -Unis, ne doivent pas occulter les défis persistants qui accompagnent l'expansion de ces services.
Défis
Si le chemin vers l'innovation est semé de défis, le secteur du vélo en libre-service aux États-Unis ne fait pas exception. Il est confronté à des obstacles techniques, sécuritaires et économiques qui nécessitent des solutions créatives et durables.
La maintenance des vélos représente un défi majeur pour les opérateurs. Les systèmes de VLS nécessitent une surveillance et des interventions régulières pour garantir la sécurité et le bon fonctionnement des vélos. L'usure due à une utilisation fréquente, combinée aux conditions météorologiques variées, exige des opérations de maintenance coûteuses et complexes.
La sécurité des utilisateurs de son côté reste une préoccupation constante. Les accidents impliquant des vélos peuvent souvent être attribués à une infrastructure inadéquate, comme le manque de pistes cyclables sécurisées et de signalisation adéquate. Les statistiques montrent que dans des villes comme San Francisco, les incidents graves ne sont pas rares, mettant en lumière la nécessité d'améliorer l'infrastructure pour protéger les cyclistes, de sensibiliser et d’éduquer tant les cyclistes que les automobilistes.
Le financement est un autre défi critique pour les systèmes de partage de vélos. D’une part, les coûts initiaux élevés d'installation des stations et d'achat des vélos, ajoutés aux dépenses opérationnelles régulières, rendent souvent ces systèmes dépendants des subventions publiques. Des villes comme Chicago (Divvy) ont dû injecter des millions de dollars pour soutenir leurs programmes de vélos en libre-service. Cette dépendance aux fonds publics soulève des questions sur la viabilité à long terme de ces initiatives, surtout dans un contexte où les budgets municipaux sont contraints. D’autre part, l’accessibilité pour les utilisateurs n’est pas si évidente. Entre 2019 et 2023, les coûts des abonnements annuels ou mensuels pour les transports ont nettement grimpé, avec des augmentations de 30 % à Boston, 32 % à Chicago, et 21 % à New York, Hoboken, Jersey City et Toronto. Aujourd'hui, le prix d'un abonnement annuel excède généralement 100 $, et peut même dépasser 200 $ dans la région de New York.
Après avoir examiné le paysage actuel du VLS aux États-Unis, tournons notre regard vers l'Europe. Voyons comment les similarités et différences entre ces deux régions façonnent le futur de la mobilité urbaine.
Ressemblance et différence entre le VLS aux Etats-Unis et en Europe
Alors que le VLS gagne en popularité des deux côtés de l'Atlantique, une comparaison entre les États-Unis et l'Europe est nécessaire. Elle permettra de révéler les points communs et des distinctions marquées qui influencent l'expansion et l'adoption de ce mode de transport urbain.
Ressemblances
Les systèmes de vélos en libre-service aux États-Unis et en Europe partagent de nombreuses caractéristiques, notamment l'utilisation de technologies avancées et un engagement envers la durabilité. Dans les deux régions, des applications mobiles avancées permettent de réserver, déverrouiller et payer les vélos facilement. Ces applications sont utilisées dans des systèmes tels que Citi Bike à New York et Santander Cycles à Londres.
De plus, les villes des deux continents intègrent de plus en plus le partage de vélos dans leurs politiques de mobilité durable, visant à réduire la congestion urbaine et les émissions de carbone. San Francisco et Copenhague, par exemple, ont fait d'importants investissements dans leurs infrastructures cyclables pour encourager cette forme de transport écologique, témoignant de l'engagement global envers des villes plus propres et plus vertes.
Différences
Des différences notables subsistent, principalement en raison de différences culturelles, réglementaires, et de soutien financier.
L'Europe possède une culture cycliste profondément enracinée, avec des villes comme Amsterdam et Copenhague. Dans ces villes, le vélo est le principal moyen de transport pour une grande partie de la population. Plus de 40% des déplacements y sont effectués à vélo, grâce à un réseau étendu de pistes cyclables sécurisées.
Aux États-Unis, malgré des progrès dans certaines villes comme Portland et Minneapolis, qui commencent à développer une culture du vélo avec des infrastructures, la plupart des grandes villes sont encore à l’étape de construction des réseaux de pistes cyclables.
Cette différence est souvent attribuée à la densité urbaine plus élevée en Europe, qui facilite une plus grande utilisation des vélos partagés, tandis que l'étalement urbain aux États-Unis présente des défis uniques pour l'intégration du vélo comme un élément central du réseau de transport.
Un exemple de cette différence est le nombre de véhicules partagés disponible dans ces régions. L'Europe, comprenant l'EU plus le Royaume-Uni, la Norvège, et la Suisse, dispose de 796,000 véhicules partagés, dominés par des scooters électriques et des vélos électriques, qui constituent 64% de la flotte. En comparaison, l'Amérique du Nord, incluant les USA et le Canada, compte 280,000 véhicules partagés, avec une prédominance de scooters électriques à 61%.
Sur le plan démographique la comparaison est encore plus importante. L'Europe (UE + Royaume-Uni + Norvège) compte 796,000 véhicules partagés pour une population de 515 millions, ce qui représente environ 1,55 véhicules partagés pour 1000 habitants. En comparaison, l'Amérique du Nord (incluant les USA et le Canada) dispose de 280,000 véhicules partagés pour une population de 372 millions, soit 0,75 véhicules partagés pour 1000 habitants. Cette statistique montre une plus grande densité de véhicules partagés par habitant en Europe, indiquant une adoption plus étendue et une intégration plus profonde de la mobilité partagée dans les pratiques de transport quotidiennes, comparativement à l'Amérique du Nord.
Les cadres réglementaires en Europe sont plus propices à l'utilisation du vélo comparativement aux États-Unis. En Europe, des politiques rigoureuses, comme celles sur les zones à faibles émissions, restreignent l'usage des voitures dans les centres urbains pour encourager le vélo. Contrairement aux États-Unis où la culture est nettement plus centrée sur l'automobile.
L'Union Européenne a manifesté son engagement à intégrer le vélo dans son plan de mobilité durable. En avril 2024, une déclaration commune des institutions de l'UE a souligné le rôle crucial du vélo pour réduire les émissions de CO2 des transports.
En termes de financement, les systèmes européens bénéficient de subventions gouvernementales substantielles, comme à Paris avec le système Vélib', soutenu par la mairie et des partenariats privés. Aux États-Unis, le modèle de financement peut dépendre davantage du secteur privé, comme Citi Bike à New York, parrainé par Citibank. Ces distinctions soulignent l'importance de contextes locaux spécifiques dans la conception et l'implémentation des systèmes de partage de vélos, nécessitant des stratégies adaptées qui répondent efficacement aux besoins et aux conditions de chaque région.
Ces exemples illustrent comment, malgré des objectifs similaires de réduction de l'empreinte carbone et d'amélioration de la mobilité urbaine, les États-Unis et l'Europe adaptent leurs systèmes de VLS aux contextes locaux spécifiques, reflétant des différences en termes de culture, de politique et de soutien économique.
Après avoir exploré les similitudes et les différences dans les approches du VLS entre les États-Unis et l'Europe, examinons maintenant les avantages substantiels et les perspectives d'avenir prometteuses de ce mode de transport durable aux USA.
Avantages et perspectives d’avenir
Avantages et impacts technologiques
Les programmes de vélos en libre-service aux États-Unis présentent de multiples avantages, contribuant à l’amélioration de la santé publique, à la réduction de l'empreinte carbone, et à l'augmentation de la mobilité urbaine. En offrant une alternative saine aux transports motorisés, ces systèmes encouragent une activité physique régulière, réduisent les maladies cardiovasculaires et celles liées à la sédentarité comme le diabète et l’obésité. D'un point de vue environnemental, ils diminuent significativement les émissions de gaz à effet de serre, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. Une étude menée à Portland, (Oregon) a montré qu'une adoption accrue des vélos électriques pourrait réduire les émissions de CO2 de 12 % dans le secteur des transports, avec une économie moyenne de 225 kg de CO2 par vélo électrique par an.
Les avancées technologiques représentent un catalyseur clé pour l'efficacité des systèmes de vélos en libre-service. Avec l'adoption de vélos électriques et d'applications mobiles sophistiquées permettant aux utilisateurs de localiser et de réserver des vélos facilement, l'accès et l'utilisation des vélos sont devenus plus faciles et plus attractifs.
Alors que l'innovation technologique rend le vélo plus accessible et plus attrayant, elle ouvre la voie à des développements futurs qui pourraient transformer encore davantage nos villes et notre manière de nous déplacer.
Perspectives d’avenir
Les perspectives d'avenir pour le partage de vélos sont renforcées par des politiques publiques soutenant l'expansion et l'amélioration de ces systèmes. Des villes comme Chicago et Minneapolis envisagent non seulement d'agrandir leurs réseaux existants mais aussi d'intégrer pleinement le vélo avec d'autres formes de transport public pour une mobilité plus adaptée aux besoins des populations.
En outre, les initiatives visant à rendre les systèmes plus accessibles et abordables, comme les subventions et les ajustements tarifaires, sont en augmentation pour soutenir une adoption plus large du vélo en libre-service aux USA.
En conclusion, le vélo en libre-service aux États-Unis se présente comme une composante essentielle de la mobilité urbaine durable. Des avancées majeures ont été faites dans le déploiement des vélos en libre-service et leur acceptation croissante. L'introduction accrue des vélos électriques a également joué un rôle clé dans l'augmentation de leur utilisation. Les défis tels que la maintenance, la sécurité, et le financement nécessitent des solutions innovantes et un soutien continu pour assurer la pérennité et l'expansion des systèmes de vélos. Les comparaisons avec l'Europe démontrent l'importance de contextes culturels et réglementaires qui influencent l'adoption des VLS. Pour l'avenir, l'accent sur les politiques publiques favorisant l'expansion et l'intégration des vélos en libre-service avec d'autres formes de transport public promet de renforcer l'efficacité et l'attractivité de ce mode de transport. La tendance croissante à rendre les vélos en libre-service plus accessibles et abordables pourrait également augmenter leur usage aux États-Unis.
Le vélo en libre-service reste une branche dynamique de la micromobilité aux Etats-Unis avec un potentiel considérable pour transformer la mobilité urbaine afin de la rendre plus verte, plus saine et plus durable.
Pour en apprendre plus sur la micromobilité aux Etats-Unis, lisez notre article sur le boom du vélo électrique en Amérique du Nord.